lundi 28 mars 2011

Mes élèves sont conceptuels !

L'acte de créer relève d'une véritable démarche de projet que mes élèves tendent quelquefois à oublier, privilégiant l'imitation, pâle reflet de la réalité. A la recherche d'une maîtrise technique de l'outil (fusain, pastels, aquarelle, huile etc.), ils passent à côté de l'interprétation et du propos. Quand j'entends s'exclamer  "Whaou, c'est trop bien fait ! ", je sors mon revolver... Quelle erreur de réduire une œuvre à la simple virtuosité technique : la technique n'est jamais qu'un moyen, en aucun cas une finalité. Dessiner, même le réel, c'est se projeter via son regard, sa sensibilité, son intelligence : ce n'est en aucun cas reproduire ou recopier. Et encore moins céder à la séduction du joli, du mignon, de l'exotique et du pittoresque. Quitte à proposer une image déstabilisante, étrange et "mal peinte". Mais juste, sincère et forte. Une image qui s'accroche à notre mémoire.
Le dessin ultime : le non-dessin... Quand l'idée prend toute la place, juste traduite par quelques composantes plastiques désinvesties du sujet.
Malika souhaitait travailler sur la notion de zapping.
Elle a zappé devant sa télé pendant 5 minutes et noté sans réfléchir à la volée tout ce qu'elle entendait. Elle m'a ensuite proposé une image plastique dans laquelle l'écriture devient une ligne saccadée en réfléchissant sur le flot continu, l'absence de tri et de recul... et paradoxalement, l'absence d'images. Trop d'images (la télé) tuant l'Image (image de soi, reflet du monde).
Un bel effort de démarche plastique et de conceptualisation sur un sujet quotidien.
Réfléchir sur la société qui l'entoure en proposant un discours sensible, tel est également le rôle de l'artiste contemporain.

Zapping, Malika H., Encre de Chine sur papier
Joëlle travaille sur le sport et le mouvement à l'aquarelle. Malgré elle, elle a réussi une très belle oeuvre conceptuelle avec cet athlète défiguré qui court, qui se jette sur moi dans une urgence palpable... l'aquarelle dégouline, le dessin maladroit procure une inquiétante sensation de fragilité et d'éphémère. Ce dessin m'interroge sur l'idée de quête, de blessure, de temporalité.
L'image n'est pas jolie. Elle est simplement juste et forte. Essentielle. Elle parle d'humanité, bien au delà du sujet.
L'Athlète, Joëlle R., Aquarelle

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